Premières journées sur le Gouf

Moana Gascogne 2024, épisode 3

Après quelques jours à attendre que le mauvais temps se tasse, nous pouvons repointer notre étrave hors de l’Adour.
La région basco-landaise est intéressante d’un point de vue faune marine et en particulier cétacés, en raison de la présence d’un canyon qui entaille le plateau continental, et se termine à quelques centaines de mètres de la côte landaise : c’est le Gouf de Capbreton.

Bathymétrie du Golfe de Gascogne (données Emodnet)

Des profondeurs de plus de 1000 mètres sont ainsi présentes à une quinzaine de milles nautiques de la côte, alors que sur le reste du plateau gascon il faut souvent parcourir plus de cinq fois cette distance pour accéder à de telles eaux.
Les pêcheurs ne s’y trompent d’ailleurs pas, et une forte activité de pêche se déroule particulièrement sur les éperons délimitant le gouf.


Nous mettons à profit plusieurs journées de beau temps pour prospecter la zone du « Gouf proche », s’étendant jusqu’à une trentaine de milles de la côte basco-landaise.
Les dauphins communs sont présents en nombre sur les premiers méandres du gouf, mais il faut être précautionneux, puisqu’à partir de 700 mètres de fond à peu près les groupes deviennent souvent mixtes, avec la présence de nombreux dauphins bleus et blancs. Les Stenella étant des animaux en moyenne plus pélagiques que les Communs, cela n’est pas très étonnant, mais ce « dégradé » progressif est intéressant à observer.

Structure serrée et voyage rapide silencieux pour ce groupe de Delphinus

Très intéressant à observer également dans le cadre de notre projet Moana Gascogne, le comportement des animaux lorsqu’ils sont à proximité d’engins de pêche, puisque nous savons que la problématique des captures accidentelles de petits cétacés est un sujet majeur dans le Golfe de Gascogne. Nous n’observons pas d’interaction à proprement parler, mais nous remarquons déjà que plusieurs groupes ont un comportement particulièrement discret dans ces situations.


Lors d’un de nos « traits » un petit peu au large, nous entendons à l’acoustique quelques faibles cris, assez basse fréquence, se démarquant donc nettement des vocalises de petits delphinidés. Si vous vous souvenez de notre épisode précédent, cela vous dit peut-être quelque chose ! Ce sont les mêmes types de cris que nous avions beaucoup entendus pendant notre descente vers le sud, des globicéphales noirs.
C’est une espèce très fréquente dans le gouf au printemps, mais plus rare en période estivale. Allons-nous réussir à les trouver ?
Un œil sur la carte, nous nous dirigeons vers là où nous pensons que la zone est la plus propice à leur présence. Le niveau des cris augmente un petit peu, puis nous entendons les clics, faibles au début, puis suffisants pour essayer de les localiser à l’acoustique. Nous obliquons vers l’Est… non, ce n’est pas par là ! Demi-tour, côté large, que dit l’écoute… c’est mieux. Un zig, un zag, on chauffe… Puis enfin, après une heure et demie de tâtonnements, un aileron à 1000 mètres devant !

Trouvés !

Nous nous approchons un petit peu, puis laissons les animaux venir et faire leur vie, en restant à l’arrêt pour ne pas risquer de les perturber. C’est la fin d’après-midi, ils semblent commencer à se mettre en chasse.


Lorsque la nuit tombe, nous pouvons continuer à prospecter, uniquement à l’acoustique : c’est notamment l’occasion d’écouter si les dauphins produisent plutôt des vocalises sociales ou des vocalises de prédation, et d’observer où sont les animaux pendant la nuit, montent-ils loin sur le plateau ?

Lorsqu’il fait beau, le dernier ‘quart’ de la nuit peut être assez esthétique !

La zone est intéressante, mais nous savons que le nombre de journées de beau temps que nous pouvons espérer pendant l’été est malheureusement limité… et après plusieurs jours de prospection, nous nous apprêtons donc à changer un petit peu de lieu de navigation.
Et élargir un petit peu notre vision du gouf, peut-être ?

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