Bienvenue sur le « Grand Gouf » !

Moana Gascogne 2024, épisode 4

Après plusieurs journées de prospection sur le « Gouf proche », nous décidons de nous diriger vers la partie plus occidentale du gouf. Au-delà de la longitude de San Sebastián à peu près, celui-ci s’élargit, et continue à gagner petit à petit en profondeur mais en étant moins encaissé : son versant sud est constitué d’un talus entrecoupé de canyons qui dévalent du plateau bordant la côte espagnole, et son versant nord est constitué par une pente douce prolongeant le plateau des Landes vers le large. Ce « Grand gouf » continue ainsi sa course loin à l’ouest jusqu’à rejoindre le canyon de Santander… et n’est pas moins intéressant que sa partie orientale !

Nous profitons donc d’une fenêtre de temps relativement calme pour descendre le gouf et nous diriger nous aussi vers l’ouest.


Le début de ce « Grand gouf » nous offre, logiquement, quelques observations ressemblant à ce que nous avions vu lors des jours précédents. L’observation d’un grand groupe mixte de plus de 250 animaux s’en démarque un petit peu, puisque ce sont ici les Dauphins bleus et blancs qui semblent largement majoritaires dans cet appariement. Plusieurs sous-groupes se déplacent, se lient et se délient, il est un peu difficile de localiser qui est qui en temps réel et de savoir s’il faut comptabiliser certains animaux comme des Delphinus ou comme des Stenella. Une vue aérienne permettra d’en apprendre plus, et d’identifier sur une situation ‘à peu près instantanée’ l’espèce des différents individus.

Alors, Stenella, Delphinus, qui est qui ? En zoomant, on y arrive, mais ce n’est pas toujours facile !

Les Delphinus, qui apparaissent en effet minoritaires avec un peu moins d’un quart de l’effectif, semblent plutôt se reposer tandis que les dauphins bleus et blancs sont plus actifs.

Indice souvent utile depuis le bateau : les Stenella ont tendance à faire beaucoup plus de sauts biscornus que les Communs

Ce n’est sûrement pas un hasard, les dauphins ne sont pas les seuls à fréquenter la zone : on y observe également plusieurs bancs de poissons petits et gros, de nombreuses physalies, quelques requins et beaucoup d’océanites.


Un peu plus à l’ouest, nous rencontrons de plus en plus de Ziphiidés. Ces animaux qui ressemblent de loin à de petites baleines (ils sont d’ailleurs parfois désignés sous le terme ‘baleines à bec’) sont des cétacés à dents, donc plus proches de la famille des dauphins et des cachalots que des baleines. Ce sont des champions d’apnée tant du point de vue de la profondeur atteinte (plus de 3000 mètres) que de la durée d’immersion (jusqu’à plus de 3 heures !), et ils mettent à profit ces capacités hors-norme pour aller se nourrir dans les eaux abyssales, majoritairement de calmars.
Pendant ces phases de recherche en profondeur, ils émettent des légers tics d’écholocalisation que nous essayons de repérer grâce à notre équipement acoustique et au SMAC, notre logiciel de bord.

Le SMAC, pour Système de Monitoring Acoustique des Cétacés, ici dans son panneau dédié à l’écoute

Lors de leurs phases de surface, ils sont plutôt discrets également, et leurs observations sont donc parfois très succinctes… et difficiles ! Si nous ne les avons pas assez bien vus, ou si nos photos ne sont pas assez diagnostiques, nous les notons simplement en tant que Ziphiidés.
Heureusement, nous parvenons à faire plusieurs observations de qualité suffisante pour les identifier à l’échelle de l’espèce : en l’occurrence, ce sont des Ziphius de Cuvier, qui est l’espèce la plus commune dans la zone.

Un Ziphius… détecté par une météo pas vraiment propice à l’observation de Ziphius ! Nous n’en verrons d’ailleurs pas grand chose d’autre…

La plus belle observation sur quatre individus dure plus de 40 minutes, nous consignons leur comportement de surface grâce à l’appli mobile PADOC jusqu’à ce que, la météo se dégradant, nous les perdions de vue. Au même moment, un cargo rapide et bruyant, effrayant presque, passe à quelques centaines de mètres. Coïncidence ? On ne saura jamais !

Combien d’animaux se reposent en surface ? Combien de temps ? Jeunes, vieux, femelles, mâles ? Les questions ne manquent pas !


Alors que nous nous rabattons pour prendre un peu de repos sur un port espagnol au nom agréablement musical, quelques observations d’animaux un peu moins pélagiques nous attendent sur le plateau : nous détectons de justesse trois grands dauphins Tursiops qui nous croisent rapidement par l’arrière sans sembler s’intéresser à nous, et, un peu plus accueillants, les dauphins communs locaux viennent nous rendre une petite visite à l’étrave.

Les Delphinus nous font honneur en venant à l’étrave… et nous leur rendons cet honneur en allant les voir à l’étrave !


La zone est attrayante et, si la météo se montre clémente, nous promet plusieurs jours de travail intéressant !

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